|||| |||| |||| |||| : Angle Dynamique Mais Un Peu Plus Tard

Angle dynamique, mais un peu plus tard. Rapport au temps passé dans le passé. Tout est logique.

Omi finissait de rattraper les événements sur le carnet : je la vis écrire un message assassin à l’attention de Zû. En bas, les deux types sirotaient leur thé comme prévu. Je notai que je pouvais enfin les regarder correctement, et qu’ils étaient – ils avaient l’air faux. Je ne reconnaissais pas la chair sur leur visage. Pourtant, ma méduse ne me brouillait plus les perceptions ?

__ Pourquoi faire. J’ai trahi Saxifrage. Le patron sera furieux. Je ne sais pas ce que je vais devenir. __

OK, qu’elle tînt bon, je la consolerais un peu plus tard.

Je prévins Omi de mon plan, elle parut ennuyée.

— C’est le bordel ! Les toxines de truc sont décalées dans le temps par rapport aux gars ; comment on sait quand elles vont faire effet ?

Je restai coi : je n’y avais pas réfléchi. Omi empoigna sa tête entre ses mains, la respiration lourde.

— Autre mauvaise nouvelle, je fatigue et je ne vais pas garder le contrôle. Cette installation me panique. Je ne comprends pas pourquoi. Une autre va prendre le dessus. Je crois que c’est Bhdra, mais je ne garantis rien.

— Oh non, pas elle !

— Reste calme, ne la touche pas, dis-lui de rattraper le carnet et tout ira bien.

Elle s’effondra sur le palier sans trop de bruit. J’attendis. Quand Bhdra se réveilla, je lui mis directement son petit cahier dans la gueule en lui faisant signe de la fermer. Elle feuilleta le tout, leva les yeux, observa la pièce, tomba sur le type en bas et le héla :

— Qui êtes-vous ? Qu’est-ce que vous trafiquez ici ?

Je me planquai dans l’ombre en la maudissant. Pas gênée, elle acheva de descendre le colimaçon pour rejoindre les buveurs de thé.

— Je connais ce matériel. Ces recherches n’ont jamais rien donné de bien, pourquoi les reprenez-vous ?

— D’où sortez-vous ?

Je me nettoyai le conduit auditif du bout de l’auriculaire, parce que même la voix du type ne sonnait pas humaine.

— Peu importe. Répondez à ma question.

— Et au nom de quoi ?

— Parce que je suis Bhdra Malonghi, que j’ai été cobaye pour le professeur Palma Koretti et que son expérience a ruiné ma vie !

Un silence. Je risquai un œil sur la scène. Les deux bizarres, éberlués, considéraient le bout de femme poings serrés qui les toisait de toute sa hauteur.

Celui du présent porta sa main à son crâne. Son futur se rassit, perplexe, et se resservit du thé.

— Bhdra ! Une étudiante. Oui, nous nous souvenons. Un désastre.

— Vous souvenir de quoi ? Vous n’étiez même pas là.

— Bien sûr que si. Nous n’avons pas repris ces recherches, Bhdra : ce sont les nôtres.

— … Vous n’êtes pas le professeur Koretti.

— Nous le sommes. Son corps est dans la cellule, là-bas.

Bhdra, sûrement aussi paumée que moi, se dirigea vers le tube de verre désigné par notre contemporain. Elle jeta un regard à travers le flou, parut reconnaître le corps à l’intérieur, recula à pas lents.

— Qu’avez-vous fait ?

— Nous nous sommes engagés pour l’avenir. Nous nous sommes réunis pour effectuer une fusion. Nous sommes désormais unité.

De mon côté, l’incompréhension laissait petit à petit la place à l’horreur. L’itération du futur fit soudain remarquer :

— Il y a un problème. Nous ne nous souvenons pas de cet événement. Quelque chose cloche…

Je lui sautai dessus depuis l’escalier et lui cognai la tête contre la table jusqu’à ce qu’il ne la ramène plus. Lui n’avait pas encore de bleus, donc je ne pouvais pas taper celui du présent, mais rien ne m’empêchait de sonner celui du futur. La version contemporaine du type bizarre recula à ma vue.

— Le traître. Valer Leonetti. Qui s’oppose à l’avenir. Qui s’oppose à notre idéal.

— C’est possible ! Enchanté de vous rencontrer, une deuxième fois apparemment ? Votre petite méduse est une bonne travailleuse.

— Comment vous a-t-elle laissé parvenir jusqu’à nous ?

— Ah, elle est très forte mais je suis encore plus doué. Mais soyons sérieux une minute : vous avez tout intérêt à m’expliquer ce que vous fabriquez ici et j’ai tout intérêt à l’écouter attentivement pour décider d’une issue à cette affaire aussi embêtante pour moi que pour vous. Alors je vais m’asseoir, me mettre à l’aise et attendre que vous racontiez votre histoire. J’ai tout mon temps !

Je poussai son double du futur, récupérai sa chaise, croisai les bras et attendis.

La psychologie fait des merveilles : la rage froide fit parler mon suspect.



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