Griffures dans son carnet. Agaçant bruit de l’information. Vivre à plusieurs dans la même tête imposait aux filles une prise de notes rigoureuse. Et rien à faire pour moi, sinon écouter le temps tourner. J’en vins à boucler le sac d’Omi moi-même, et à m’en énerver.
__ Si vous vouliez l’étrangler puis vous donner la mort, on gagnerait du temps. __
Et cette remarque aurait été beaucoup plus utile, primo, si ma symbiote avait eu la capacité de m’influencer, secundo, si j’avais été en capacité de mourir.
Me voyant trépigner, Omi précisa :
— Si je ne tiens pas le journal de bord, tu vas devoir expliquer ton problème à tout le monde. Y compris Bhdra.
Ça me doucha. J’attendis. Omi récupéra sa loutre de combat qui dormait dans un panier et me proposa de sauter en angle post-moderne directement depuis chez elle pour dans l’espoir de perdre un éventuel filocheur. Nous en fîmes ainsi.
L’enquête, c’est une vocation plus qu’une occupation. Et lorsque la vocation vous pousse à des extrêmes comme kidnapper un type qui refuse de vous dire ce qu’il sait ou échapper à une menace planante, le seul humain qui ne vous fichera pas dehors en vous insultant de cinglé, c’est un autre enquêteur.
Kib Durodni vivait sur la même plage qu’Omi et les autres, mais en angle dynamique et au numéro chat. Iel habitait un muté dont iel prétendait qu’il s’agissait d’un chat vivant, obsession visible jusque dans son numéro d’index.
En fait, ça devait être des murs en pseudo-ossements recouverts de fourrure de félin, mais personne ne voulait vraiment læ contredire. Kib adoptait aussi la politique du refus de la notion de genre et insistait sur l’usage du neutre pour læ désigner, ce qui était vaguement incohérent vu qu’iel n’avait aucune intention de modifier son apparence physique en fonction. Même sans ça, qui croit encore que le neutre est nécessaire ? J’ai utilisé le féminin jusqu’à quitter mes parents, personne n’a fait de remarque quand j’ai changé.
À cause de ce sujet, entre autres choses, j’avais des relations tendues avec Kib. Et puis, tout attentif que j’étais en tant qu’élève, les maîtres perdent de leur superbe quand vous les dépassez de beaucoup en n’étant pas vraiment bon. Je râle, mais comme nous n’avions pas besoin d’un visage plus amical que ça et que son domicile était proche, j’espérais seulement qu’iel appliquait des règles de sûreté de base et qu’iel n’aurait pas la bêtise de nous ouvrir la porte de devant et de nous inviter à prendre un verre.
— Tiens ? Salut vous deux. Montez dans le chat, faites-vous plaisir. Vous prendrez bien quelque chose ?
Je me retins de l’enguirlander. Omi et moi passâmes l’entrée. Ma compagne n’était jamais venue et j’avais oublié de la prévenir de l’aspect des lieux ; lorsqu’elle m’agrippa le bras, je compris que l’idée de loger dans un muté entier la mettait mal à l’aise. Sa loutre qui marchait à nos côtés sentit son stress et monta s’enrouler autour de ses épaules. Kib tira du sol trois replis de peau du chat, qui demeurèrent rigides et nous servirent de sièges.
Iel s’inquiéta enfin de ce qui m’amenait. Je lui confiai ce que je savais, c’est-à-dire pas lourd : mon amnésie, la méduse derrière l’oreille qui laissait présager quelque chose d’inhabituel, notre incertitude sur la réaction qu’aurait la partie adverse à mon agitation et notre fuite consécutive. Kib roula des yeux.
— De mon temps, là où les enquêteurs passaient, on repeignait en rouge. Et tu te laisses impressionner par je ne sais quelle bande qui magouille des mutés ?
— De ton temps, les enquêteurs étaient un fléau social et généraient autant de problèmes qu’ils en mettaient au jour. Les représentants du peuple ont quand même fait passer une requête à la Méta pour qu’elle interdise la profession d’enquêteur.
— Rhô, elle n’a jamais accepté.
— Parce que c’était physiquement impossible, pas parce qu’il n’y avait pas de problème. Le nœud de l’affaire, c’est qu’on a réussi à mettre tous les politiques d’accord sur le fait qu’on était nuls.
— Tu n’es venu chez moi que pour me dire ça ? Tu n’as pas une enquête à résoudre et une copine invalide à chapeauter ?
J’allais remettre Kib à sa place, mais l’impavidité d’Omi à une insulte aussi flagrante me coupa dans mon élan. Quand je me tournai vers elle, elle feuilletait le carnet à toute allure avec un air de panique sur le visage. Je posai la question rituelle :
— T’es qui ?
— Bhdra. Tu n’es jamais lassé de me pourrir la vie ?
__ Si vous vouliez l’étrangler puis vous donner la mort, on gagnerait du temps. __
Et cette remarque aurait été beaucoup plus utile, primo, si ma symbiote avait eu la capacité de m’influencer, secundo, si j’avais été en capacité de mourir.
Me voyant trépigner, Omi précisa :
— Si je ne tiens pas le journal de bord, tu vas devoir expliquer ton problème à tout le monde. Y compris Bhdra.
Ça me doucha. J’attendis. Omi récupéra sa loutre de combat qui dormait dans un panier et me proposa de sauter en angle post-moderne directement depuis chez elle pour dans l’espoir de perdre un éventuel filocheur. Nous en fîmes ainsi.
L’enquête, c’est une vocation plus qu’une occupation. Et lorsque la vocation vous pousse à des extrêmes comme kidnapper un type qui refuse de vous dire ce qu’il sait ou échapper à une menace planante, le seul humain qui ne vous fichera pas dehors en vous insultant de cinglé, c’est un autre enquêteur.
Kib Durodni vivait sur la même plage qu’Omi et les autres, mais en angle dynamique et au numéro chat. Iel habitait un muté dont iel prétendait qu’il s’agissait d’un chat vivant, obsession visible jusque dans son numéro d’index.
En fait, ça devait être des murs en pseudo-ossements recouverts de fourrure de félin, mais personne ne voulait vraiment læ contredire. Kib adoptait aussi la politique du refus de la notion de genre et insistait sur l’usage du neutre pour læ désigner, ce qui était vaguement incohérent vu qu’iel n’avait aucune intention de modifier son apparence physique en fonction. Même sans ça, qui croit encore que le neutre est nécessaire ? J’ai utilisé le féminin jusqu’à quitter mes parents, personne n’a fait de remarque quand j’ai changé.
À cause de ce sujet, entre autres choses, j’avais des relations tendues avec Kib. Et puis, tout attentif que j’étais en tant qu’élève, les maîtres perdent de leur superbe quand vous les dépassez de beaucoup en n’étant pas vraiment bon. Je râle, mais comme nous n’avions pas besoin d’un visage plus amical que ça et que son domicile était proche, j’espérais seulement qu’iel appliquait des règles de sûreté de base et qu’iel n’aurait pas la bêtise de nous ouvrir la porte de devant et de nous inviter à prendre un verre.
— Tiens ? Salut vous deux. Montez dans le chat, faites-vous plaisir. Vous prendrez bien quelque chose ?
Je me retins de l’enguirlander. Omi et moi passâmes l’entrée. Ma compagne n’était jamais venue et j’avais oublié de la prévenir de l’aspect des lieux ; lorsqu’elle m’agrippa le bras, je compris que l’idée de loger dans un muté entier la mettait mal à l’aise. Sa loutre qui marchait à nos côtés sentit son stress et monta s’enrouler autour de ses épaules. Kib tira du sol trois replis de peau du chat, qui demeurèrent rigides et nous servirent de sièges.
Iel s’inquiéta enfin de ce qui m’amenait. Je lui confiai ce que je savais, c’est-à-dire pas lourd : mon amnésie, la méduse derrière l’oreille qui laissait présager quelque chose d’inhabituel, notre incertitude sur la réaction qu’aurait la partie adverse à mon agitation et notre fuite consécutive. Kib roula des yeux.
— De mon temps, là où les enquêteurs passaient, on repeignait en rouge. Et tu te laisses impressionner par je ne sais quelle bande qui magouille des mutés ?
— De ton temps, les enquêteurs étaient un fléau social et généraient autant de problèmes qu’ils en mettaient au jour. Les représentants du peuple ont quand même fait passer une requête à la Méta pour qu’elle interdise la profession d’enquêteur.
— Rhô, elle n’a jamais accepté.
— Parce que c’était physiquement impossible, pas parce qu’il n’y avait pas de problème. Le nœud de l’affaire, c’est qu’on a réussi à mettre tous les politiques d’accord sur le fait qu’on était nuls.
— Tu n’es venu chez moi que pour me dire ça ? Tu n’as pas une enquête à résoudre et une copine invalide à chapeauter ?
J’allais remettre Kib à sa place, mais l’impavidité d’Omi à une insulte aussi flagrante me coupa dans mon élan. Quand je me tournai vers elle, elle feuilletait le carnet à toute allure avec un air de panique sur le visage. Je posai la question rituelle :
— T’es qui ?
— Bhdra. Tu n’es jamais lassé de me pourrir la vie ?