Oui, je suis enquêteur. Et la récréation était terminée : j’arrachai Zû à sa fascination audiovisuelle et nous fis passer dans l’angle dynamique de la plage bouton-de-rose. Elle ne se débattit pas, mais ne laissa pas passer une si belle occasion de geindre.
— Ça ne te fait rien, à toi ? La destruction de la planète-mère, la dislocation de l’univers-père ? Et cette insupportable suffisance du genre humain qui s’en fout, comme s’il n’en était pas responsable ?
— Oui ! Je m’en fous. Heureuse ? J’ai besoin d’Omi, moi ! J’ai besoin d’une partenaire utilisable, pas d’une pauvre inadaptée à protéger ! Tu comprends, ça ?
— Pff. Elles ne comprennent rien. Si je me contrôlais, je ne les laisserais pas revenir.
— Tu ne prends pas des notes dans le carnet ?
— Non.
Elle s’assit par terre, la tête entre les genoux. Sa fidèle loutre voulut se lover dans son cou, elle l’écarta d’un geste. Mon arme secrète était à double tranchant : la môme avait certes bougé, mais uniquement pour exprimer sa haine du mouvement. C’était surtout à cause d’elle que les filles vivaient en angle décadent : la plupart des personnes normales cherchent à fréquenter l’angle dynamique.
Sauf les passés, qui croient que l’angle décadent est dynamique, et les futurs, qui s’imaginent la même chose de l’angle avant-gardiste. Ce qui est vrai, puisque la courbe du temps bouge sans arrêt.
On vit dans un drôle de monde.
Puisque j’étais condamné à attendre qu’elle arrête de bouder, je m’assis par terre et réfléchis en grattant mon seul indice, qui squattait l’arrière de mon oreille.
Nos deux hypothèses sur la méduse :
Soit elle était d’origine artificielle sans porter de marque déposée, soit elle était d’origine naturelle tout en possédant des propriétés assez hallucinantes.
Le premier cas violait la loi de la Méta. Les représentants du peuple et les ténors de la biotechnologie s’accordaient depuis toujours sur le fait que l’origine d’un être de synthèse devait pouvoir être tracée – par exemple, la loutre de combat des filles, étant une création de Bhdra, portait à la foi sa marque et celle de son employeur.
Résultat, la Méta avait rendu le procédé automatique : les plages se chargeaient seules de déposer les marques. Elles étaient impossibles à retirer ou à falsifier, sauf dérogation. Et il y avait quelque chose de si malsain et illégal à trafiquer la mémoire d’autrui, surtout enquêteur, que les samaritains de la Méta ne l’auraient jamais laissé passer.
Le second cas impliquait que des types avaient trouvé par hasard un organisme aux propriétés assez dingues, capable de se fixer définitivement sur un hôte, de bricoler ses pensées et de communiquer avec lui dans un langage courant quoique sarcastique, et qu’ils n’avaient rien trouvé de mieux à faire que de me le coller sur l’oreille.
Je veux dire, au lieu de faire fortune. La méduse pouvait certainement induire de fausses sensations et ils auraient trouvé sans problème un public pour ça. Comme je ne suis pas du genre à empêcher des gens de profiter de leurs opportunités commerciales, même pas eu besoin de mettre ma mémoire sous surveillance pour garder le secret.
Omi avait insisté sur le fait que le symbiote était spécifique à mon ADN, mais je croyais me souvenir d’une technique de biotech pour que ça devienne le cas après la pose sur l’hôte et non avant, du coup ce détail ne me semblait plus aussi pertinent.
Le temps que je ressasse le tout, Zû s’était endormie et me ronflait sur le genou. Elle faisait souvent ça. Je changeai de position en lui soulevant la tête, parce que mine de rien elle me bloquait la circulation et je commençais à m’ankyloser. Ma main effleura ma semelle et j’eus un temps d’arrêt que je ne m’expliquai pas tout de suite.
Un presque-rien d’humidité.
Mon instinct gagnant à être suivi, j’ôtai ma chaussure, y jetai un regard, et réveillai Zû en urgence.
— Ça ne te fait rien, à toi ? La destruction de la planète-mère, la dislocation de l’univers-père ? Et cette insupportable suffisance du genre humain qui s’en fout, comme s’il n’en était pas responsable ?
— Oui ! Je m’en fous. Heureuse ? J’ai besoin d’Omi, moi ! J’ai besoin d’une partenaire utilisable, pas d’une pauvre inadaptée à protéger ! Tu comprends, ça ?
— Pff. Elles ne comprennent rien. Si je me contrôlais, je ne les laisserais pas revenir.
— Tu ne prends pas des notes dans le carnet ?
— Non.
Elle s’assit par terre, la tête entre les genoux. Sa fidèle loutre voulut se lover dans son cou, elle l’écarta d’un geste. Mon arme secrète était à double tranchant : la môme avait certes bougé, mais uniquement pour exprimer sa haine du mouvement. C’était surtout à cause d’elle que les filles vivaient en angle décadent : la plupart des personnes normales cherchent à fréquenter l’angle dynamique.
Sauf les passés, qui croient que l’angle décadent est dynamique, et les futurs, qui s’imaginent la même chose de l’angle avant-gardiste. Ce qui est vrai, puisque la courbe du temps bouge sans arrêt.
On vit dans un drôle de monde.
Puisque j’étais condamné à attendre qu’elle arrête de bouder, je m’assis par terre et réfléchis en grattant mon seul indice, qui squattait l’arrière de mon oreille.
Nos deux hypothèses sur la méduse :
Soit elle était d’origine artificielle sans porter de marque déposée, soit elle était d’origine naturelle tout en possédant des propriétés assez hallucinantes.
Le premier cas violait la loi de la Méta. Les représentants du peuple et les ténors de la biotechnologie s’accordaient depuis toujours sur le fait que l’origine d’un être de synthèse devait pouvoir être tracée – par exemple, la loutre de combat des filles, étant une création de Bhdra, portait à la foi sa marque et celle de son employeur.
Résultat, la Méta avait rendu le procédé automatique : les plages se chargeaient seules de déposer les marques. Elles étaient impossibles à retirer ou à falsifier, sauf dérogation. Et il y avait quelque chose de si malsain et illégal à trafiquer la mémoire d’autrui, surtout enquêteur, que les samaritains de la Méta ne l’auraient jamais laissé passer.
Le second cas impliquait que des types avaient trouvé par hasard un organisme aux propriétés assez dingues, capable de se fixer définitivement sur un hôte, de bricoler ses pensées et de communiquer avec lui dans un langage courant quoique sarcastique, et qu’ils n’avaient rien trouvé de mieux à faire que de me le coller sur l’oreille.
Je veux dire, au lieu de faire fortune. La méduse pouvait certainement induire de fausses sensations et ils auraient trouvé sans problème un public pour ça. Comme je ne suis pas du genre à empêcher des gens de profiter de leurs opportunités commerciales, même pas eu besoin de mettre ma mémoire sous surveillance pour garder le secret.
Omi avait insisté sur le fait que le symbiote était spécifique à mon ADN, mais je croyais me souvenir d’une technique de biotech pour que ça devienne le cas après la pose sur l’hôte et non avant, du coup ce détail ne me semblait plus aussi pertinent.
Le temps que je ressasse le tout, Zû s’était endormie et me ronflait sur le genou. Elle faisait souvent ça. Je changeai de position en lui soulevant la tête, parce que mine de rien elle me bloquait la circulation et je commençais à m’ankyloser. Ma main effleura ma semelle et j’eus un temps d’arrêt que je ne m’expliquai pas tout de suite.
Un presque-rien d’humidité.
Mon instinct gagnant à être suivi, j’ôtai ma chaussure, y jetai un regard, et réveillai Zû en urgence.